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Georges Henein et le surréalisme égyptien

Georges Henen, à l'origine des courants surréaliste et socialiste en Égypte. © Jeanziade / CC BY-SA
Georges Henen, à l'origine des courants surréaliste et socialiste en Égypte. © Jeanziade / CC BY-SA

Par Isabelle

10 févr. 2020

Il serait dommage de réduire à une branche orientale du surréalisme parisien le mouvement avant-gardiste littéraire égyptien. Éphémère, mais parcouru de fulgurances, francophone, internationaliste, et souvent contradictoire, ce mouvement a eu une existence autonome, et un impact réel. Son chef de file, l’auteur Georges Henein, sut lui impulser son panache et, malgré son aversion pour l’idée de « faire œuvre », la pérennité de ses idées.

Un esprit marginal et audacieux

De Georges Henein, André Breton écrivait qu’il était « l’un des esprits […] comptant parmi les plus lucides et les plus audacieux » de l’époque. Son camarade en exil Berto Farhi le qualifiait pour sa part de « fils de pacha à qui l’Égypte doit ses premiers mouvements socialistes ».
Figure marginale, Georges Henein est à rebours des héritiers de la révolution de 1919, chez qui la nation égyptienne est centrale. En témoigne l’un de ses pamphlets les plus célèbres, écrit en 1935 : À propos de patrie. L'ouvrage suscite d'ailleurs de vives critiques dans le contexte de redéfinition identitaire que connaît alors l’Égypte. Georges Henein écrit en effet : « On me dit : ‘Si vous ne respectez pas la patrie, vous êtes un anormal ou un dégénéré’. Je réponds : ‘Avant de respecter quelque chose, je tiens à connaître son contenu. Expliquez moi, je vous prie, ce que c’est que la patrie’ ».
Son internationalisme n’est pas seulement une pose ou une réaction au nationalisme nassérien, que Henein honnit. C'est d'abord un mode de vie. Il prend racine dans le cosmopolitisme d’Alexandrie et s’inscrit dans la géographie personnelle de Georges Henein. L’auteur multiplie en effet les allers-retours entre Paris et le Caire, avant de se fixer finalement dans son exil français.

À l'origine du surréalisme en Égypte

Dans cette configuration, Paris incarne le centre de l’internationale de l’esprit à laquelle aspirent Georges Henein et les surréalistes égyptiens. Mais cette appartenance n’est pas sans écueil. Ce groupe d’auteurs qui écrivent en français est loin de bénéficier de la même reconnaissance que le mouvement surréaliste français.
En Égypte, où la communauté francophone est minime, ils se retrouvent à l'écart des milieux littéraires arabophones. Le français a certes été dans le passé une langue de résistance en Égypte, mais il a vu son pouvoir subversif sérieusement écorné au moment où Henein perce sur la scène littéraire. Ce constat n'échappe pas à Georges Henein. Il lance donc en 1940 la revue littéraire Al-Tattawor, dans laquelle on peut lire une sélection de textes inédits. Tous sont l'œuvre du groupe des surréalistes égyptiens en arabe. On trouve aussi des traductions de textes venus d’Europe. Le tout propose ainsi une circulation des idées au-delà des frontières.
Son refus des frontières (géographiques, de l’esprit) résonne aujourd’hui de façon particulière avec les crispations identitaires et la montée des nationalismes que nous traversons : « Il est significatif que la double appartenance culturelle effarouche, dans l’ensemble, beaucoup moins les puristes du langage que (…) les constructeurs en champ clos qui accordent infiniment plus d’importance aux barrières qu’au bâtiment ».Citoyen du monde, il donne de cette identité affranchie des frontières une définition très poétique : « Je suis convaincu qu’il y a, de par le monde, des millions d’apatrides intérieurs, de voyageurs du dedans, dont on ne saura jamais rien jusqu’à l’instant où ils répudieront avec éclat leur personnalité apparente de gitans de l’âme… ».
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